Lors de la Coupe du monde 2018 en Russie, l’équipe de France avait rallié Moscou en à peine 4 heures d’avion. 88 ans plus tôt, les Bleus avaient mis 14 jours pour atteindre l’Uruguay, premier pays hôte de la plus belle des compétitions internationales. Un voyage XXL organisé avec d’autres sélections européennes et ayant de forts airs de club de vacances.
A l’époque, il n’y a pas de phase de qualifications et toutes les nations affiliées à la FIFA peuvent s’inscrire. Seules quatre sélections européennes le font, certaines arguant que le voyage revient trop cher, d’autres pensant qu’elles n’ont aucune chance de gagner face aux surpuissants uruguayens.
La fédération française doit négocier avec les employeurs des joueurs pour qu’ils les libèrent pour une durée de deux mois. Il faut en effet un mois pour le voyage aller-retour et un autre pour la durée du tournoi.
Le 21 juin 1930, les Bleus embarquent à bord du SS Conte Verde à Villefranche-sur-Mer. La durée de la traversée est de 14 jours. Sur le bateau, les sélections roumaines et belges sont également de la partie, au milieu des autres passagers.
La première mission est de garder en forme les footballeurs. Le paquebot se transforme alors en grand terrain de jeu. On place des chaises sur le pont supérieur pour faire des haies par-dessus lesquelles les joueurs doivent sauter. Des footings sont organisés tous les soirs et la salle de sport est frénétiquement utilisée, dès le réveil fixé quotidiennement à 7 heures.
Mais ce n’est pas suffisant. Car le voyage est long. Il faut donc divertir les joueurs pour que le moral reste au beau fixe. Les jeux de carte affluent, des films sont projetés dans la salle de cinéma et des bals dansants sont organisés.
Pour se rafraîchir, une piscine est aménagée à la hâte sur le pont et joueurs et dirigeants s’y baignent bien volontiers.
Le milieu de terrain Augustin Chantrel raconte dans Paris-Match quelques activités pendant la traversée : course en sac, pêche avec les dents dans une bassine et batailles de polochons sont au programme. On est plus proche de jeux ludiques dans une foire ou une fête d’écoliers que d’une préparation d’avant Coupe du monde. « Pas une minute d’ennui ne vient rappeler la longueur de la traversée », conclut le footballeur. Quelques petites fêtes plus ou moins fastueuses ponctuent même le voyage.
Après des escales à Barcelone, au Portugal, aux Canaries et à Rio pour embarquer la sélection brésilienne, le paquebot entre dans le port de Montevideo le 4 juillet. Présent à bord, le journaliste Pierre Billotey raconte que les Bleus sont accueillis par des cris « Vive la France » avant que la Marseillaise retentisse, jouée par la marine uruguayenne.
9 jours plus tard, le 13 juillet, la France joue son premier match de la Coupe du monde 1930 face au Mexique. En Uruguay, c’est l’hiver et quelques flocons de neige font leur apparition. Les Bleus s’imposent 4-1 mais s’inclinent ensuite face à l’Argentine et le Chili, à chaque fois sur le même score, 1-0.
Avec deux défaites et une victoire, les Bleus sont éliminés. Ils restent néanmoins sur place le temps de la compétition et disputent même un match amical face au Brésil, perdu sur le fil 3-2.
Que reste-t-il de cette épopée. Lucien Laurent ne parle pas de football lorsqu’il est de retour en France. L’aventure, plus forte que tout.
« C’est ce voyage qui m’a le plus impressionné. Cette traversée, comme le retour, restera mon plus beau souvenir. L’Uruguay, le bout du monde, le temps des copains, c’était La croisière s’amuse… »