Villaplane, de l’équipe de France aux commandos de la Gestapo

26 décembre 1944. 10h35. Les membres du peloton d’exécution du fort de Montrouge s’alignent, chargent leurs fusils et pressent la détente. Huit hommes, répartis en trois groupes, tombent au sol. Parmi eux, Alexandre Villaplane, le premier capitaine de l’équipe de France lors d’une Coupe du monde de football.

L’histoire de ce héros tombé en disgrâce commence d’abord sur les terrains de football. Né en Algérie en 1905, il débarque en France à l’âge de 16 ans et se fait rapidement remarquer pour ses qualités athlétiques. Il fait ses premières armes avec le FC Sète avant d’être repéré par la Fédération française de football et d’intégrer l’équipe de France en 1926.

Villaplane devient rapidement indispensable au milieu de terrain des Bleus et quitte Sète pour Nîmes un an plus tard. En 1929, il rejoint le Racing Club de Paris. Le club francilien monte un gros projet et Villaplane doit en être la tête de gondole. Pour le convaincre de rejoindre la Capitale, le club francilien sait se montrer financièrement généreux.

Avide d’argent, Villaplane va découvrir Paris, ses sollicitations et ses distractions. Dopé aux paris hippiques, il dépense sans compter dans les courses de chevaux.

Sur le terrain, il réussit encore à réaliser de grandes performances. En juin 1930, il embarque à bord du SS Conte Verde, direction l’Uruguay, pour la première Coupe du monde de football. La traversée dure 14 jours et les Bleus sont éliminés dès le premier tour.

En 1932, le football se professionnalise et Villaplane choisit encore l’argent en rejoignant un autre club ambitieux, Antibes. L’idylle ne dure qu’un an en raison de soupçons de matches truqués.

Envoyé à Nice en 1933, ses performances sont au plus bas. Après une courte pige à Bordeaux, il arrête sa carrière en 1935.

Débute alors la deuxième vie d’Alexandre Villaplane.

Incarcéré à plusieurs reprises pour des paris truqués lors de courses de chevaux ou pour des affaires de grand banditisme, il réapparait en 1940 à Paris où il s’adonne au racket de juifs et au marché noir. Après un nouveau séjour de quelques semaines en prison pour recel, il rejoint Henri Lafont et Pierre Bonny dans la « Carlingue », la gestapo française. L’unité est installée au 93 rue Lauriston en plein 16e arrondissement, à quelques pas du Trocadéro.

Il est chargé de mater la résistance dans le Périgord au sein d’une brigade créée pour l’occasion, la BNA, Brigade Nord Africaine, composée d’immigrés maghrébins de France. Villaplane est promu chef de cette brigade par les SS.


Le 11 juin 1944, Villaplane participe au massacre de Mussidan en Dordogne. La Gestapo et la Brigade Nord-Africaine fusillent 52 personnes et déportent 115 habitants en représailles à une attaque d’un train allemand en gare de Mussidan.

En ces mois de 1944, Villaplane et sa bande pillent, volent, violent et assassinent des centaines de personnes dans le Périgord.

Dicté par son obsession de l’argent, l’ancien capitaine de l’équipe de France se transforme en monstre tortionnaire pour arracher quelques bijoux et billets.

Mais le vent tourne. En juin 1944, le grand débarquement en Normandie fait basculer la guerre. En août, Paris est libéré. Le 24 du même mois, Alexandre Villaplane est arrêté. Jugé le 1er décembre avec Henri Lafont et Pierre Bonny, l’ex-footballeur est condamné à la peine capitale pour haute trahison, intelligence avec l’ennemi, meurtres et actes de barbarie. Le 26 décembre, Alexandre Villaplane, âgé de 39 ans, avale un dernier verre de rhum puis est conduit au Fort de Montrouge. Il est fusillé à 10h35. L’ancien capitaine de l’équipe de France aux 25 sélections a basculé dans l’horreur par pure cupidité et voit sa vie lui échapper face au peloton d’exécution